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Title: L'Illustration, No. 3257, 29 Juillet 1905
Author: Various
Language: French
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L'ILLUSTRATION, NO-3257, 29 JUILLET 1905 ***



L'Illustration, No. 3257, 29 Juillet 1905

LA REVUE COMIQUE, par Henriot,

Suppléments de ce numéro: 1° Quatre pages sur I'Exposition de Liège. 2°
Une gravure en couleurs, le Chef-d'Oeuvre, par Albert Guillaume.

L'ILLUSTRATION

Prix du Numéro: 75 Centimes. SAMEDI 29 JUILLET 1905. 63e Année--N° 3257.

[Illustration: M. Witte, M. WITTE, PLÉNIPOTENTIAIRE RUSSE POUR LA PAIX
interviewé par un représentant de la presse, au seuil du ministère des
Affaires étrangères, quai d'Orsay.

M. Witte a fait, sur la route de Saint-Pétersbourg à Washington, une
halte de quelques jours à Paris. M. Witte, sur qui tous les regards de
l'univers civilisé sont fixés en ce moment, est d'une simplicité
extrême: il se rend à ses visites officielles confondu parmi les
piétons, ou il prend un modeste fiacre à taximètre. Mais cela ne
l'empêche pas d'être, comme tous les personnages en vue, pressé et
sollicité par les reporters et les interviewers, fidèles serviteurs de
l'indiscrétion professionnelle. Et c'est ainsi qu'à l'issue de sa
première entrevue avec notre président du Conseil M. Rouvier, le
représentant d'un de nos confrères quotidiens se trouvait là, sur le
seuil du ministère des Affaires Étrangères, pour arrêter au passage et
interroger sans façon le célèbre homme d'État étranger... tandis qu'un
photographe de l'_Illustration_, arrivant sur ces entrefaites, prenait
le curieux instantané de cette scène inattendue.]


[Illustration: Le _Hohenzollern_, yacht de l'empereur d'Allemagne.]

[Illustration: L'_Étoile-Polaire_, yacht de l'empereur de Russie.]


COURRIER DE PARIS

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Concours du Conservatoire. La vraie «grande semaine» de l'été parisien.
Mais on a voulu l'entourer de plus de faste qu'autrefois, cette «grande
semaine», et c'est dans un vrai théâtre, ouvert aux curiosités de mille
intrus, que les rites en sont à présent célébrés. «Ce n'est plus ça.»
J'entends tout le monde répéter cette phrase, autour de moi, car j'ai la
passion de ces concours et, depuis la contrebasse et l'alto qui en
ouvrent la série jusqu'au trombone qui en sonnera tout à l'heure la
clôture, je n'en manque pas un. C'est pour moi comme un bain d'émotion
joyeuse et je ne me soucie guère, égoïste que je suis, de savoir s'il
est bon ou mauvais qu'il y ait des concours du Conservatoire et ce que
valent les jugements qu'on y rend, ou à quoi auront servi, dans trente
ans, les victoires qui s'y remportent aujourd'hui. J'y vois s'agiter de
la jeunesse; j'assiste à des batailles dont le bruit n'est fait que de
musique... je jouis des gentils spectacles que donnent l'espérance, la
grâce, l'ardeur de vaincre; je vois (ou je crois voir), çà et là,
poindre les grandes renommées de demain et ma vanité s'en réjouit. On
est toujours flatté (pourquoi? je n'en sais rien, vraiment) d'avoir été
témoin de ces débuts-là, de pouvoir dire de l'artiste qu'on acclame: «Je
l'ai vu remporter (ou rater) son second prix, il y a quinze ans.»

Mais ils ont raison. «Ce n'est plus ça.» Leur Opéra-Comique est un
monument trop vaste et trop pompeux pour de tels exercices. Il est
ouvert à trop de gens qu'une badauderie purement mondaine amène là et
qui raillent ou bâillent à la vue des choses qu'on leur montre; il y a
trop de loges, il y a trop de lustres; il y a trop d'escaliers, surtout,
parmi lesquels on se cherche sans se rattraper.

On ne sait plus où se donner rendez-vous pour potiner, pour s'embrasser,
pour s'évanouir... Leur vieux Conservatoire était idéalement approprié à
tout cela et il n'y a pas de maison où j'aie passé, à Paris, de plus
intéressantes minutes. On y étouffait, mais on y étouffait «entre soi»;
un même fanatisme puéril y rassemblait de braves gens que les mêmes
petites douleurs, les mêmes petites joies, les mêmes ambitions, les
mêmes espoirs faisaient vibrer, pleurer et rire ensemble. On
reconnaissait l'appariteur; on disait bonjour aux huissiers et les
ouvreuses composaient une petite famille parmi laquelle on se sentait
attendu. Et il y avait aussi, au vestibule du rez-de-chaussée, ce décor
familier du buffet où il semblait que, chaque année, on retrouvât les
babas et les orangeades de l'année d'avant. Une vaste cour bien close
nous isolait des indiscrétions de la rue; c'était le parloir en plein
air, la «potinière» où, pendant les entr'actes, s'assemblaient, pour
bavarder, les spectateurs, les concurrents en habit noir, les
concurrentes en robes claires, presque toutes jolies, toutes coquettes,
et si gentiment bouleversées par l'émotion de la bataille!

Je repassais là tout à l'heure. Les grilles étaient closes. L'horloge
sonnait dans la cour vide, pleine de soleil. Et j'eus pitié de la
vieille maison désertée, comme de quelqu'un à qui une injustice a été
faite...

La vieille Université aussi avait des habitudes charmantes, dont la
disparition m'étonne. Elle aimait à célébrer par des fêtes pompeuses la
clôture annuelle des classes. Il paraît que cette pompe a paru vaine à
quelques pédagogues et qu'on est en train de simplifier tout cela. Le
Concours général est aboli et la grande fête qui devait remplacer
celle-là--on en parlait beaucoup l'année dernière--n'est point décrétée
encore. Il y a bien les distributions de prix, dont la coutume subsiste;
mais il me semble que l'éclat de ces solennités n'est plus le même
qu'autrefois.

C'était, dans mon enfance, au pensionnat de banlieue où je fus élevée,
une grave affaire que la distribution des prix. Pour rien au monde, les
familles n'eussent manqué à ce rendez-vous-là. Pour celles d'entre nous
qui avaient le mieux travaillé, c'était une joie--et un devoir--que de
venir recevoir les prix qu'on avait gagnés; et pour les autres, c'était
un devoir aussi, et comme un petit châtiment respectueusement accepté,
que d'assister, les mains vides, au triomphe des laborieuses...

On ajoutait à chaque prix une couronne en papier vert--en papier doré,
quelquefois--et nous tendions le front, très émues, aux deux mains
gantées de blanc qui nous coiffaient de ces auréoles. Nous ne trouvions
pas cela comique du tout. Mais tout change, même l'âme des écoliers. Il
paraît qu'à présent les couronnes en papier les font rire; ils ne
veulent plus être coiffés de ce papier-là et, dans la plupart des lycées
et des écoles de Paris, on a cessé de donner aux enfants des couronnes.

On me dit même que beaucoup de parents dédaignent de se déranger pour
assister à ces cérémonies. A quoi bon? «Des discours fastidieux à
entendre; deux heures d'étuve à subir...» On aime mieux boucler ses
malles et gagner au plus tôt la montagne ou la mer. Ainsi, d'année en
année, cette «lecture du palmarès», qui était, aux yeux des petites
filles de ma génération, la plus prestigieuse des cérémonies de l'année,
apparaît comme une formalité risible et très vieux jeu, dont il y a
quelque élégance à ne plus tenir compte. On a supprimé les couronnes, on
supprimera les prix. Les médecins démontreront (ils démontrent déjà) que
l'inintelligence, la paresse, l'inattention, sont des maladies et qu'il
est inhumain d'humilier un enfant «malade» en glorifiant, à côté de lui,
l'écolier qu'un hasard heureux de santé a fait intelligent, laborieux,
attentif aux leçons de ses maîtres; les philosophes ajouteront (ils
disent déjà) que la distribution de prix est une tradition
antidémocratique et immorale, en ce qu'elle excite chez l'enfant la
jalousie des supériorités, l'amour des honneurs, le goût de vaincre...

Ces hygiénistes, ces moralistes, ces logiciens, m'assomment. Ils nous
préparent une humanité sans défauts où il me semble qu'on s'ennuiera
terriblement.
                                                              SONIA.


LES DEUX YACHTS IMPÉRIAUX

L'empereur de Russie et l'empereur d'Allemagne ont eu, les 23 et 24
juillet, une sensationnelle entrevue.

C'est à Bjoerko, dans le golfe de Finlande, où ils s'étaient donné
rendez-vous, que les souverains se rencontrèrent, Nicolas II ayant
navigué sur L'_Étoile-Polaire_ et Guillaume II sur le _Hohenzollern,_ et
c'est à bord de ces navires qu'eurent lieu alternativement les
réceptions et les conciliabules.

Plus d'une fois, à l'occasion des déplacements de leurs augustes
propriétaires, il a été parlé des deux yachts impériaux, remarquables
par l'importance de leur tonnage et le confort luxueux de leurs
aménagements; ils avaient déjà des antécédents historiques, avant
l'événement mémorable, sujet de tant de commentaires.

Naturellement, touchant l'objet et le caractère des entretiens
confidentiels du tsar et du kaiser, on en est réduit aux hypothèses;
mais, en tout cas, on ne saurait considérer d'un oeil indifférent les
bateaux derrière les cloisons desquels il a dû se passer autre chose
qu'un échange de politesses.


UN DOCUMENT HISTORIQUE

L'EMPEREUR D'ALLEMAGNE ET LA MISSION FRANÇAISE À BERLIN La mission
française envoyée en Allemagne pour le mariage du kronprinz prolongea,
on s'en souvient, son séjour après les fêtes, invitée par l'empereur à
assister à des manoeuvres partielles. Ces manoeuvres, d'une durée de
trois jours, eurent lieu sur le terrain de Doberitz, situé à une
vingtaine de kilomètres de Berlin. Les journaux n'ont pas manqué de
signaler les prévenances marquées dont, en cette occurrence, le chef et
les membres de la mission française furent l'objet de la part du
souverain; seule, la photographie était capable de fixer rigoureusement
certains traits significatifs, par exemple de noter le moment précis où
l'on put voir l'empereur, en uniforme de colonel de uhlans, et le
général de Lacroix, gouverneur de Lyon, chevaucher presque botte à
botte, avec, sur la même ligne, le colonel Chabaud, de la maison
militaire du président de la République; le capitaine des Vallières,
officier d'ordonnance du général, auxquels le lieutenant Cailliot, alors
en permission et présent à Berlin, avait été invité à se joindre. C'est
ce qu'a réalisé supérieurement l'instantané que nous reproduisons
aujourd'hui en double page.

Ce document historique se rapporte à un événement qui date déjà de plus
d'un mois; mais il a gardé un incontestable caractère d'actualité, car
il se rattache d'une façon singulièrement antithétique à la période
critique du différend franco-allemand, qui n'est point encore
définitivement réglé. Quand nos lecteurs sauront que cette photographie,
n'étant pas destinée à la publicité, n'a été tirée qu'à un nombre fort
restreint d'exemplaires, et combien, par conséquent, il était malaisé de
se la procurer, même en Allemagne, ils voudront bien reconnaître dans sa
publication, même tardive, une nouvelle preuve du constant effort de
L'_Illustration_, toujours à l'affût de documents rares, inédits,
authentiques, et résolue, pour les découvrir et les obtenir, à ne
ménager ni la vigilance, ni la persévérance, ni, au besoin, la patience.

[Illustration: LE THÉÂTRE EN PLEIN AIR.--Représentation de _Sémiramis_
(scène du 1er acte) au théâtre de la Nature, à Champigny-sur-Marne, le
23 juillet.]


LE THÉÂTRE EN PLEIN AIR DE CHAMPIGNY

Le succès obtenu par les représentations, en plein air et en plein jour,
d'Orange, de Nîmes, de Béziers, de Bussang, de la Mothe-Saint-Héraye, a
donné à M. Albert Darmont, artiste éclairé, l'idée de faire bénéficier
de semblables spectacles les Parisiens sédentaires--par goût ou par
obligation--et il a organisé, aux portes de Paris, à Champigny-sur-Marne,
un théâtre «de la Nature», qui a été inauguré dimanche, avec le plus
grand succès, par une tragédie de M. Peladan: _Sémiramis_, interprétée
par Mme Segond-Weber, MM. P. Mounet, A. Lambert, Darmont, etc.


[NOTRE SUPPLÉMENT EN COULEURS "LE CHEF-D'OEUVRE"]

ALBERT GUILLAUME
[Illustration: gravure hors-texte.]

LE CHEF-D'OEUVRE

Au sens de l'«amateur», la définition du mot est bien simple: le
«chef-d'oeuvre», c'est l'objet d'art acheté de sa main et de ses
deniers. Soit que, présomptueux gogo de l'hôtel des Ventes, il ait
couvert d'or la signature apocryphe d'un maître; soit que, mécène
parcimonieux et avisé, il ait eu «pour un morceau de pain» le travail
méritoire d'un besogneux obscur qui, un jour, sera coté, il est enchanté
de son acquisition et en tire vanité.

S'agit-il, par exemple, d'un tableau, il le dispose en bonne place, sur
un chevalet, lui ménage un éclairage favorable; puis il convoque le ban
et l'arrière-ban de ses amis et connaissances: «Venez donc voir _mon
Machin;_ vous m'en direz des nouvelles.» On s'empresse.

Alors, l'heureux propriétaire, prenant du recul, les doigts arrondis en
lorgnette, cligne de l'oeil, explique, multiplie les «hein?»
provocateurs, donne le ton au choeur des visiteurs pour les litanies
laudatives.

Le «snob» affecte un ébahissement tout ensemble hyperbolique et
distingué; la femme du monde se pâme en faisant des effets de
face-à-main; le vieil artiste, immobile, comme plongé dans une extase
mystique, ne murmure que de rares paroles dédiées au culte du Beau; le
critique influent, sans souci de l'inélégance de la posture, s'accroupit
au bas du cadre afin de vérifier de près la technique du premier plan.
Le concert d'admiration chanté devant la toile est d'autant plus doux à
l'oreille du mécène qu'il lui rend à lui-même un hommage indirect,
flatte ses prétentions de connaisseur expert et d'amateur au goût
impeccable. Pas un instant son ingénuité ne pressent les propos dénués
d'artifice que, tout à l'heure, deux au moins des invités de la présente
fournée (seraient-ce le vieil artiste et le critique?) échangeront, à la
sortie, au sujet du _chef-d'oeuvre:_ «Quelle croûte!--Quel navet!»...
Un tel sujet devait tenter la verve d'Albert Guillaume. En le traitant
il a rendu, à son ordinaire, avec autant d'esprit que d'exactitude, les
types, la mimique expressive, les jeux de physionomie des personnages
jouant au naturel une des scènes les plus amusantes de la comédie
Humaine.


[Illustration: LES FÊTES COMMÉMORATIVES DE L'INDÉPENDANCE BELGE.--A
Bruxelles: la place du Palais-de-justice, décorée pour le passage du
cortège historique. (Voir à la page suivante.)]


[Illustration: L'INDÉPENDANCE BELGE.--Le tournoi de chevalerie dans le
hall du parc du Cinquantenaire: la joute à la lance devant la tribune du
duc de Bourgogne.

_Aux fêtes commémoratives de l'Indépendance belge, à Bruxelles, un des
numéros les plus pittoresques et les plus réussis du programme a été le
spectacle historique donné dans le hall du parc du Cinquantenaire: un
tournoi de chevalerie en Flandre, vers le milieu du quinzième siècle. La
représentation de gala, particulièrement brillante, a eu lieu le 20
juillet en présence du roi et de la cour; dix mille invités se
pressaient sur les gradins des tribunes toutes resplendissantes des
couleurs des bannières, de l'éclat des uniformes et du chatoiement des
toilettes. On a beaucoup applaudi le «pas d'armes», la «quintaine», le
tournoi proprement dit, et l'on a admiré les superbes costumes de
l'époque, notamment ceux de Philippe le Bon, du comte de Charolais, du
duc de Clèves, reconstitués avec une scrupuleuse exactitude._]


LES JAPONAIS À SAKHALINE

Sakhaline est une île beaucoup plus importante qu'on ne le croit
généralement. Sa longueur atteint 965 kilomètres, c'est-à-dire dépasse
sensiblement la distance de Bayonne à Calais.

Sa population, il est vrai, n'est que de 40.000 habitants indigènes,
auxquels il faut ajouter 15.000 forçats et déportés, ainsi que le
personnel pénitentiaire.

[Illustration: L'île Sakhaline.]

Il y a, en outre, quelques milliers de colons dont un tiers est
japonais.

Topographiquement, cette île est une longue bande constituée par une
chaîne de montagnes presque rectiligne.

Leurs hauteurs atteignent 800 à 1.000 mètres, quelques sommets dépassent
1.600 mètres. Les parties basses sont très boisées; d'immenses forêts
vierges s'étendent sur des centaines de kilomètres sans interruption.
Bien que la latitude soit celle de l'Europe centrale (Korsakowsk est à
la hauteur de Venise), le climat est très rigoureux, ce qui est dû
surtout à une prédominance des vents du nord. La température, l'hiver,
descend à 50 degrés au-dessous de zéro. Sakhaline renferme d'inestimables
richesses minérales, encore à peu près complètement inexploitées.

On a seulement reconnu l'existence de mines abondantes de naphte et de
pétrole, de fer et divers autres métaux, et surtout de gisements de
houille étendus, presque à fleur de terre et d'excellente qualité.

[Illustration Un couloir dans un bagne de Sakhaline]

[Illustration: Entrée du port de Nicolaïewsk (Sibérie orientale), sur
l'embouchure de l'Amour.]

Les côtes sont extraordinairement poissonneuses, en particulier dans la
partie sud-ouest. Rien que dans l'année 1903, les revenus des pêcheries
ont dépassé 150.000 roubles. Or, on sait que le poisson constitue, avec
le riz, la base de l'alimentation du paysan au Japon; les côtes
japonaises ne donnant que des ressources insuffisantes, on a dû avoir
recours aux pêcheries de Sakhaline. La suppression du droit de pêche,
depuis le début des hostilités, a donc entraîné pour les Japonais une
gêne à laquelle ils n'ont pu remédier qu'en allant pêcher, sur les côtes
de Formose et d'Indo-Chine, un poisson de qualité inférieure.

[Illustration: Le général Liapounov, gouverneur russe de l'île
Sakhaline.]

Au point de vue stratégique, cette île a, pour les Japonais, une valeur
au moins aussi grande que sur le terrain économique. En effet, la mer du
Japon est une véritable mer fermée, ouverte seulement par quatre portes:
les détroits de Corée, de Tsougarou, de la Pérouse et de Tartarie. Les
deux premiers sont, dès maintenant, aux mains des Japonais, la conquête
de Sakhaline leur assurera les deux autres. Il s'ensuit que, même si la
guerre actuelle ne met pas le Japon en possession de Vladivostok, la
valeur de ce grand port russe, bloqué à perpétuité, sera bien diminuée.
Il en est, d'ailleurs, de même de Nicolaïewsk, le port de l'embouchure
de l'Amour, où l'on signale même un débarquement de troupes japonaises.

L'histoire de Sakhaline n'est qu'une suite d'efforts concurrents des
Japonais et des Russes. En 1613, ce sont les premiers qui l'explorent;
en 1648, c'est le tour des Russes; à partir de ce moment, les
explorateurs des deux pays se succèdent; c'est en 1805 seulement que le
Russe Krusenstern planta le drapeau russe à Alexandrowsk. En 1853, les
Russes, après avoir progressé peu à peu, parvenaient au sud de l'île;
ils pouvaient donc, à la convention internationale de 1867, se faire
attribuer Sakhaline.

Toutefois les Japonais, ne reconnaissant pas cette convention,
continuèrent à considérer la main-mise de leurs concurrents sur la
grande île comme une usurpation. Ce n'est qu'en 1875 qu'ils renoncèrent
à leurs prétentions, moyennant la cession des îles Kouriles, chapelet de
petites îles sans valeur, qui s'étend d'Yéso vers le Kamtchatka. Ils
avaient fait là, déclarait ces derniers temps la presse nippone, un
«marché de dupes» qu'il importait de réviser.

[Illustration: Le Japon, l'île Sakhaline et la côte orientale de la
Chine et de la Sibérie.]

Ce voeu, depuis quelques jours, est entré en voie d'exécution. On ne
connaît pas la force du corps de débarquement que les Japonais ont jeté,
le 7 juillet, dans le sud de l'île et qui s'est saisi sans grande
difficulté de Korsakowsk et de tous les points importants de la région,
mais il est certain qu'il comprend au moins 20.000 hommes. Déjà on parle
de la prise d'Alexandrowsk.

Pour s'opposer à cette invasion, que possèdent les Russes? Une unique
division d'une douzaine de mille hommes comprenant une forte proportion
de volontaires recrutés parmi les forçats, avec promesse de libération
après la guerre. Le général Liapounov qui la commande a dû la disperser
dans l'incertitude où il était du point où pourraient débarquer les
Japonais, et il est douteux que ceux-ci lui laissent maintenant le temps
de la réunir.

On peut donc, suivant l'expression favorite des Nippons, considérer
Sakhaline comme «virtuellement» à eux. L. DE SAINT-FÉGOR.

[Illustration: Groupe de forçats russes de Sakhaline.]


LE CHAH DE PERSE À PARIS

[Illustration: S. M. Mouzaffer-ed-Din à la légation de Perse à Paris.
_Phot. Paul Boyer, prise le 25 juillet dans le salon de la légation
transformé en salle du trône._]

Le chah de Perse Mouzaffer-ed-Din, après avoir achevé sa cure de
Contrexéville, et avant de commencer celle de Vichy, est venu à Paris,
qu'il affectionne, passer quelques jours. Il y mène une vie simple à la
fois et fastueuse, recevant des fournisseurs, visitant quelque
établissement public, jouant entre temps au billard avec son grand-vizir
et son ministre de la cour, mais entouré d'une suite et d'impedimenta
innombrables. Mardi soir, il a reçu la colonie persane de Paris dans le
grand salon de la légation de Perse, transformé en salle du trône. C'est
là qu'a été prise notre photographie. A droite et à gauche du souverain,
des chaises en cristal avaient été disposées pour ses fils.


LES CONCOURS DU CONSERVATOIRE

[Illustration: Mlle CAFFARET (11 ans 10 mois). 1er prix de piano
(_Prélude en ré_, de Bach. _Allegro de concert_, de Chopin).]

Les divers concours du Conservatoire (chant, opéra, opéra-comique,
tragédie, comédie, pour ne parler que de ceux-là) ont mis, cette année,
en présence un nombre assez considérable de concurrents. Le concours
d'opéra a été particulièrement brillant et a mis en valeur une artiste
hors de pair, Mlle Marthe Chenal; il a permis d'apprécier aussi le
talent sûr de M. Georges Petit. Un premier prix de tragédie a consacré
la valeur originale, et déjà applaudie sur maints théâtres, de Mlle
Ventura. Enfin, nous ne pouvons négliger de mentionner, parmi les
premiers prix de piano--qui ont témoigné du merveilleux enseignement des
professeurs et de la force prodigieuse des élèves--celui de Mlle
Caffaret qui, à onze ans, a montré un sens étonnant du rythme et prouvé
que ses petites mains avaient déjà acquis une ampleur, une netteté
d'exécution, en même temps qu'une grâce et une malice prestigieuses qui
se rient de toutes les difficultés.

[Illustration: M. CORPAIT (27 ans 6 mois). 1er prix d'opéra (_Charles
VI_)]

[Illustration: Mlle MARTHE CHENAL (23 ans 10 mois). 1er prix de chant
(_Alceste_); 1er prix d'opéra (_Armide_).]

[Illustration: M. GEORGES PETIT (21 ans 10 mois). 1er prix d'opéra
(_Oedipe à Colone_).]

[Illustration: Mlle MANCINI (23 ans 8 mois), 1er prix de chant
(_Alceste_). 1er prix d'opéra (_Patrie_).]

[Illustration: M. CARBELLY (27 ans 11 mois). 1er prix de chant
(_Dardanus_).]

[Illustration: M. LUCAZEAU (25 ans 8 mois). 1er prix d'opéra-comique
(_Carmen_).]

[Illustration: Mlle MIRAL (20 ans 1 mois). 1er prix de chant
(_Alceste_).]

[Illustration: Mlle BERGE (21 ans 6 mois). 1er prix de comédie (_Mariage
blanc_).]

[Illustration: M. BROU (23 ans 11 mois). 1er prix de comédie (_les
Rantz_).]

[Illustration: Mlle VENTURA (18 ans 11 mois). 1er prix de tragédie
(_Phèdre_).]

LAURÉATS DU CONSERVATOIRE--_Photographies Du Guy, H. Manuel et P. Boyer._


[Illustration: Eglogue.]

[Illustration: L'Orpheline.]

[Illustration: Madeleine.]

[Illustration: Fabiola.]

[Illustration: Le Christ au linceul.]

(Collection de Mme Smith.)

QUELQUES OEUVRES DE HENNER.

[Illustration: JEAN-JACQUES HENNER Mort à Paris le 23 juillet]

Le peintre Jean-Jacques Henner vient de mourir.

Il n'y a pas trois mois (le 13 mai), _L'Illustration_ avait la bonne
fortune d'offrir à ses lecteurs une parfaite reproduction d'une oeuvre
caractéristique de ce grand maître: une _Tête de Femme_, harmonie
admirable de chair rosée à peine, de roux, de bleu et de rouge vibrant.

Nous avons publié dans le même numéro un court article où étaient
analysées--trop brièvement--les belles qualités de ce talent savoureux
de Henner, qui exerce sur les foules, comme sur l'élite des
connaisseurs, une si puissante séduction.

L'artiste était alors gravement malade. Cependant, tout espoir était
loin d'être perdu et même, depuis cette alerte, on l'avait vu reprendre
ses forces; on pouvait croire que son robuste tempérament triompherait
du mal.

Nous nous bornerons à rappeler ici les titres de quelques-unes des
oeuvres maîtresses qui ont marqué les étapes de cette belle carrière
artistique: 1858, la _Mort d'Abel_, son prix de Rome; 1865, la _Chaste
Suzanne_; 1867, la fameuse _Biblis changée en source_; la _Femme au
divan noir_, du musée de Mulhouse; 1874, _Madeleine dans le
désert_;1876, le _Christ mort_; 1898, le _Lévite Éphraïm_, qui lui valut
la médaille d'honneur, et enfin un grand nombre de figures isolées,
comme _Fabiola_, et de portraits, dont les deux plus beaux sont celui de
_Chanzy_ et celui de l'artiste même, pour la galerie des Peintres, aux
Offices de Florence.


EN NORVÈGE

_Fragments d'un journal de voyage._ Suite II.--(Voir le numéro du 8
juillet.)

[Illustration: «Nous naviguons dans une fente longue et sinueuse
resserrée entre de hautes collines...»]

[Illustration: «... Nous sommes dans le Sognefiord.»]

Sous l'averse, des intrépides descendent afin de faire, à Bergen, un
déjeuner à la norvégienne. On hésite, mais une dame rassure tout le
monde. Elle parle, dit-elle, la langue du pays. C'est une aubaine. On
part.

Accueil charmant au restaurant. _Marseillaise_. Moins désagréable à
entendre ici qu'à Paris au 14 Juillet. La dame polyglotte commande.

... Mon Dieu, ce que je vais vous conter là n'est pas neuf, mais je puis
vous affirmer qu'il a fallu de l'empire sur soi-même pour ne pas pouffer
de rire lorsque, après très, très longtemps que la dame eut commandé des
hors-d'oeuvre et posé négligemment ses gants sur la table pour causer
avec son voisin, on lui apporta... un chauffe-pieds. Un peu irritée,
elle réclama (en norvégien, naturellement) et, cette fois, un énorme
éclat de rire accueillit le garçon lorsqu'il revint avec une descente de
lit.

Quelqu'un--un toqué--demanda tout simplement des hors-d'oeuvre et le
garçon répondit:

--Mais, messieurs, il fallait le dire: j'entends le français!
_Samedi._--Hier soir, en quittant Bergen, le ciel s'est éclairci et,
vers onze heures du soir, nous avons eu un avant-goût des splendeurs
promises. Soleil couchant. Pas beaucoup plus beau que chez nous, mais
intéressant à cause de l'heure indue.

... Il est six heures du matin. Tout le monde est debout. On a déjeuné
et nous allons partir pour Stalheim. Il ne pleut pas, mais le ciel est
gris. Dans ce pays, il faudrait pouvoir ne pas dormir. Couché hier soir,
au jour, à onze heures et demie, à trois heures du matin j'ouvre un oeil
et ce que je vois par le hublot de ma cabine me décide à me lever
bientôt. Je crois être le premier sur le pont. Erreur. Plusieurs de nos
compagnons sont déjà debout et admirent. Nous sommes dans le Sognefiord.
Nous naviguons dans une fente longue et sinueuse, resserrée entre de
hautes collines dont les sommets ont gardé des plaques de neige et d'où
découlent, à droite et à gauche, devant et derrière, des cascades
blanches.

[Illustration: Servantes d'hôtel.]

LE SOGNEFIORD

Il n'y a qu'à admirer. Si tous les fiords de Norvège ressemblent à
celui-là, nous ne regretterons pas notre voyage. Mais comment en donner
une idée? Supposez que, dans une chaîne de montagnes très vertes, très
rapprochées, la mer ait fait invasion. Nous naviguons dans le dédale des
couloirs ainsi créés. C'est superbe. Il n'y a peut-être pas deux cents
mètres de ligne droite, de telle sorte qu'à chaque cinq minutes le lac,
le bassin, le fleuve vert où nous venons de passer se referme derrière
nous et que, sans cesse, se découvrent de nouveaux horizons. Le soleil
apparaît, disparaît, se tamise derrière les nuages, fait briller au
sommet des collines les taches blanches de la neige que l'été n'a pas
encore fondue, donne aux arbres et à la mer des tons verts
inimaginables, non encore vus. Les nuages parfois, comme de légers
voiles, laissent voir en grisailles les découpures des crêtes, ou
emplissent d'ouate une fissure, une excavation, là-haut. Tout à l'heure,
pendant cinq minutes, nous avons vu la colline à travers un arc-en-ciel.

Ai-je dit que toutes ces montagnes sont à pic, comme des murailles
vertes à peine inclinées, ou tout à fait verticales et noires, et
qu'elles ont six, sept ou huit cents mètres de hauteur?

Laissez votre imagination travailler là-dessus...

_Samedi soir._--Après le dîner, au moment du départ pour le glacier de
Stalheim, le temps se gâte. Tout le monde revêt les harnachements
achetés la veille à Bergen: jambières en toile cirée, caoutchoucs,
suroîts, casques de cuir; des jeunes filles trouvent encore le moyen
d'être charmantes là-dessous. Au milieu de ces costumes noirs, des
taches jaunes animées: ce sont les manteaux en toile jaune huilée. Le
phoque a eu raison, mais il a eu raison trop tôt; c'est pourquoi on
s'est moqué de lui. Dans cette lumière bizarre de la nuit norvégienne,
on a l'impression d'une sortie de bal masqué au petit jour.

Courageusement, on s'embarque sous la pluie. Une partie des touristes
trouvent à terre des voitures qui vont les conduire au glacier, le plus
grand du monde, ma chère. Mais les voitures manquent pour le second
convoi. Que faire? Il faudra attendre une heure et demie, sous la pluie,
le retour des voitures de la première excursion. Que de gens se seraient
emportés contre l'organisateur, contre les habitants, contre le ciel!
Les nôtres sont de meilleure composition. On envoie une barque à bord
chercher toute la musique, les partitions, on entre dans un hôtel et
l'on improvise gentiment, de bonne humeur, une soirée musicale qui fut
très gaie. L'organisateur du voyage offre le thé, une tombola et fait
ainsi gracieusement pardonner une faute imputable à une agence de
Bergen. A minuit, les voitures reviennent (il pleut toujours), quelques
intrépides partent tout de même--une heure et demie de carriole--et vont
ainsi jusqu'au pied du glacier qu'ils ont le plaisir et l'orgueil de
contempler à une heure du matin, en plein jour. A minuit dix, à bord, on
a dit la messe. Il n'y a jamais eu autant de monde. Un profane demande
pourquoi.

--Pour s'en débarrasser, dit une dame pieuse, demain matin on pourra
dormir aussi tard qu'on voudra. A trois heures de la nuit, le dernier
excursionniste rentrait...

Il y a des sages qui dormaient depuis dix heures du soir...

TRONDJHEIM

11 juillet.

«Mon cher ami,

»Je n'ai pas voulu t'écrire jusqu'à présent parce que je n'avais pas
déragé depuis mon départ. Mais, aujourd'hui, je viens de me réconcilier
avec la Norvège.

[Illustration: «...Imagine un fleuve large comme la Seine à Charenton,
auquel le terrain manque tout à coup...»]

»A neuf heures, nous avons débarqué à Trondjheim. 35.000 habitants, mon
cher ami, et par 63 degrés de latitude. Grande ville par la largeur de
ses rues, par une cathédrale romaine et gothique que je n'ai pu admirer
parce que j'aime trop le gothique. Nous y avons déjeuné, dans un café où
l'on ne parlait ni français, ni anglais, ni allemand. Nous avons résolu
de nous en rapporter au hasard. Nous avons demandé par gestes «le
déjeuner», c'est-à-dire que nous nous sommes assis à une table en
désignant de nos index nos bouches ouvertes et nous avons attendu.

»Sais-tu ce qu'on nous a apporté d'abord? Une coupe dans laquelle un
morceau de roquefort moisissait avec d'autres fromages aussi
odoriférants. Nous l'avons remisée sur la table voisine, mais le garçon
nous l'a rapportée, en compagnie cette fois d'une quantité de plats où
il y avait du homard, du poulet, du rosbif, du jambon, du saumon, et
d'autres viandes encore. Le tout froid. Nous avons picoré dans tous ces
plats, nous avons bu de la bière exquise dans des flûtes de 50
centimètres de haut, et nous avons ainsi parfaitement déjeuné.

»Mais ce n'est pas cela qui nous a réconciliés avec la Norvège, c'est
l'excursion aux cataractes de Lerfossen.

[Illustration: Le port de Trondjheim.]

D'abord, nous avons traversé une forêt de sapins vraiment
septentrionale. J'ai eu cette joie qui est souvent la seule que nous
autres, pauvres désabusés, puissions éprouver en voyage: _j'ai reconnu
les images._

» Puis nous sommes arrivés à la cascade. Il n'y a pas à dire le
contraire: c'est merveilleux. Imagine un fleuve large comme la Seine à
Charenton, auquel le terrain manque tout à coup par une différence de
niveau, presque à pic, d'une cinquantaine de mètres... Je devine que tu
souris, narquois, en me lisant. Tu m'ennuies. Moi, je trouve cela
admirable. D'abord je suis venu ici pour admirer. J'ai payé pour cela...
alors...»

_Lundi soir._--Nous venons de passer une journée d'enchantements. Depuis
une heure de l'après-midi, nous naviguons au milieu du plus étrange, du
plus magnifique, du plus grandiose panorama.

L'enthousiasme des plus réfractaires est sans restrictions. La beauté du
spectacle arrache des larmes à plusieurs et l'émotion gagne jusqu'à de
simples gabiers. Mais comment en donner l'idée, puisque tout cela est
produit par l'étrangeté de la lumière. Nous vivons dans un pays
paradoxal. C'est à la fin de l'après-midi, à partir de cinq heures, que
la clarté prend une intensité spéciale.

Les verts deviennent d'une puissance qui déconcerte. Tous les premiers
plans s'accusent avec un relief extraordinaire, tandis que, dans les
lointains, se dégradent ou s'exaspèrent les innombrables notes qui vont
du gris bleuté au violet sombre, en passant par la succession des roses.
La mer reflète tout cela en le déformant un peu, en le commentant,
pourrait-on dire. Tout l'après-midi nous nous sommes insinués entre les
montagnes.

Le paquebot tourne à angle droit plusieurs fois en une heure. Par suite
de ce mouvement, les montagnes les plus rapprochées semblent s'écarter
pour découvrir, aux yeux déconcertés et grands ouverts, des surprises
nouvelles. Il y a des blocs de pierre sombre dans lesquels on pourrait
tailler des cathédrales, des forteresses abruptes qui se dressent comme
d'infranchissables défenses d'un empire de géants, des pics pointus où
s'accrochent les nuages, des flaques énormes de neige, des successions
de sommets noirs et tourmentés perdus dans le bleu.

[Illustration: «Un glacier bleu couvre des sommets et des versants sur
une longueur de 50 kilomètres.»]

Au milieu de ce titanique chaos, de cet entassement de grandeurs, le
paquebot glisse doucement, car la mer est d'un calme absolu; on entend à
peine les battements de l'hélice et l'on se sent emporté comme dans un
rêve dans un pays fantastique et terrible. Tous les passagers, malgré le
froid, sont sur le pont, les yeux écarquillés et la figure grave. La
blague a perdu tous ses droits et, par instants, il plane sur ces cent
cinquante Français un silence religieux.

[Illustration: «... On est dans un cirque, on ne sait plus retrouver
l'endroit par où l'on y est entré...»]

C'est bien une angoisse qui nous saisit, une sorte de gêne ravie et
timide. Le spectacle est trop grand pour nos coeurs.

Ajoutez que nos pilotes norvégiens, en se dirigeant dans ce dédale,
prennent, pour les virages, les plus grands tournants!

Il semble que l'on va se heurter à ce rocher gigantesque dont on ne peut
voir la cime qu'en renversant la tête en arrière, tant cette cime est
haute et rapprochée.

On sait bien que l'homme qui commande sur la passerelle connaît à fond
tous ces parages et que son attention n'est pas distraite; malgré cela,
une inquiétude qu'on chasse difficilement vous envahit tant il semble
certain que le bateau va se briser sur l'obstacle. On ne voit aucun
passage devant soi, on cherche longtemps et l'on finit par découvrir une
fissure assez large pour une barque de pêche. Et nous continuons à nous
avancer implacablement droit vers la masse sombre, dans le silence et
dans le calme. Le bruit sourd de l'hélice est comme celui d'un coeur qui
bat... Sommes-nous perdus réellement? On a envie d'aller prévenir
l'homme de la barre, d'aller s'assurer qu'il est à son poste... Quoi!
toujours la même route! Mais c'est de la folie... Dans quelques
secondes, nous heurtons le rocher... Il faut crier... il faut... Non...
Subitement, la fissure s'élargit, le paquebot tourne, s'y engage et se
trouve de nouveau dans un cirque. On ne sait plus retrouver l'endroit
par où l'on y est entré; il semble qu'on ferme des portes derrière nous.
Et, incessamment, cela se renouvelle avec des panoramas nouveaux, des
couleurs invraisemblables, dont la moins surprenante n'est pas celle
d'un glacier bleu qui, là-haut, à droite, couvre des sommets et des
versants sur une longueur de cinquante kilomètres.

LE CERCLE POLAIRE

Pendant le dîner, un coup de canon. Nous venons de franchir le cercle
polaire. On applaudit... Oui, je sais bien, c'est ridicule. Mais nous
étions heureux et le plaisir aime à se manifester par du bruit. Il y
avait aussi un peu de fierté naïve dans le coeur de ces Français qui se
savaient gré à eux-mêmes de donner un démenti à la réputation de
sédentarité nationale. Enfin, tout de même, nous sommes dans l'océan
Glacial et cela n'arrive pas à tout le monde.

_Mercredi, 13 juillet._--Pluie. Navigation entre les îles. A cinq
heures, arrivée à Tromsoe.

Dans cette ville perdue à l'extrémité du monde habité, des fils
télégraphiques, téléphoniques et l'éclairage électrique font au ciel
gris une sorte de grillage. La première boutique dont nous voyons
l'enseigne est celle d'un marchand de musique. Il y a deux journaux que
lisent sans haine, je pense, des habitants gais et affables.

Les yeux les moins observateurs du bord sont frappés du contraste
qu'offrent ces populations avec les nôtres. Les hommes que nous
fréquentons, les bateliers, les boutiquiers, ceux qu'on rencontre dans
les rues, ont une dignité d'attitude, une sorte de fierté silencieuse et
concentrée qui nous surprend.

C'est le pays du crépuscule éternel: c'est aussi celui du silence.
Lorsque notre bateau est à l'ancre, des barques l'entourent, prêtes à
accueillir le passager pressé qui dédaigne les moyens du bord. De la
part des rameurs, il n'y a pas un cri, pas un appel. Ils restent là,
donnant de temps à autre un coup d'aviron pour se maintenir à la hauteur
de notre échelle et attendant avec patience une aubaine qu'ils ne
sollicitent pas.

Les rues de Tromsoe, comme celles de toutes les villes de la Norvège,
sont larges, afin d'éviter la propagation des incendies. Ces grandes
dimensions concourent à l'impression de silence et de solitude. La ville
est pittoresque. Tout le long du fleuve que paraît être la mer enfermée
entre les îles, les maisons brunes en bois sont bâties sur des pilotis
noirs; de bizarres auvents abritent les grues servant à embarquer les
morues séchées. Aux boutiques installées pour tenter les touristes, et
qui sont assez nombreuses, de grandes peaux d'ours blancs sont pendues
comme des drapeaux. Tout autour de la ville, sur les montagnes, des
plaques de neige semblent du linge oublié.
                                                      BRIEUX.

 _(A suivre.)_

[Illustration: «Tromsoe, le pays du crépuscule éternel et du
silence...»]


[Illustration: M. Guillaume II. Général de Lacroix. Colonel Chabaud,
Capitaine des Vallières Lieutenant Cailliot. _Phot. Max Pipeenhagen._

UN DOCUMENT HISTORIQUE: L'EMPEREUR D'ALLEMAGNE ET LES OFFICIERS DE LA
MISSION FRANÇAISE AU CAMP DE DOBERITZ PRÈS BERLIN, PENDANT LES
MANOEUVRES DE JUIN.

_Voir l'article page 70._]


[Illustration: Le garde-côtes "Tempête". Torpilleur et remorqueur.
Bateaux de sauvetage italiens. Grande grue et remorqueur "Cyclope". le
"Berger-Wilhelm".

Sur le lieu du sinistre pendant les essais de sauvetage.]

[Illustration: Un scaphandrier de l'_Audax remontant du «fond» pour
déjeuner_.]

[Illustration: Le dock de renflouement immergé au-dessus du _Farfadet_.]

[Illustration: LES HONNEURS FUNÈBRES AUX VICTIMES.--A Bizerte: Les
quatorze cercueils, débarqués du remorqueur _Cyclope_, sont déposés sur
des fourgons du train des équipages, en présence du résident général,
des amiraux, des généraux et des différents corps de troupes formant le
carré.--_Photographies Deconcloit._ LA CATASTROPHE DU "FARFADET"]

La CATASTROPHE du _FARFADET_

Les obsèques des victimes si péniblement arrachées aux flancs du
_Farfadet_ ont eu lieu, le 18 juillet, avec l'imposante solennité des
honneurs militaires, en présence de M. Pichon, notre résident général en
Tunisie, des amiraux Fournier, Gourdon, Jauréguiberry, des commandants
des principales unités de l'armée navale, des généraux Roux et Meunier,
des survivants de l'équipage et de leurs camarades du sous-marin
_Korrigan_, des fonctionnaires civils et de nombreuses délégations. A
l'issue de la cérémonie religieuse, célébrée par Mgr Tournier, évêque de
Carthage, assisté du curé de Ferryville, les quatorze cercueils, placés
sur des fourgons, furent embarqués à bord du remorqueur _Cyclope_, pour
être transportés de Sidi-Abdallah à Bizerte, où, après les suprêmes
hommages, ils devaient rester déposés au cimetière jusqu'au moment de
leur transfert en France.

Tout ce qui se rattache au tragique événement du 6 juillet offre mieux
qu'un intérêt rétrospectif; aussi, n'est-il pas superflu de compléter
nos documents relatifs aux opérations du renflouement effectué, malgré
tant de difficultés, au prix de tant d'efforts. Une de nos gravures
montre le dock flottant immergé à son maximum, au-dessus du Farfadet:
les chaînes passées sous la coque du sous-marin vont être rabattues;
puis des pompes à vapeur épuiseront l'eau du dock, lequel émergera,
tirant, par la puissance de son mouvement ascensionnel, le bateau coulé,
du fond de vase de lm,50 où il s'est enlisé.

Une autre reproduction photographique représente un scaphandrier
remontant à l'heure du déjeuner. Ces hommes, nous écrit-on,
accomplissaient leur rude et périlleuse besogne avec une admirable
vaillance: quand ils revenaient à l'air pour prendre à la hâte quelque
nourriture, ils ne se donnaient même pas le temps de se dévêtir
D'ailleurs, pendant la trop longue durée des manoeuvres que dirigeait le
contre-amiral Aubert, aidé du capitaine de frégate Benoît, chef
d'état-major, l'ingénieur de la marine Faure et le lieutenant de
vaisseau Mandine, tout le monde, en ces douloureuses circonstances, a su
faire son devoir, depuis les chefs jusqu'aux plus humbles travailleurs.



DOCUMENTS et INFORMATIONS


UN TROUPEAU ANÉANTI PAR LA FOUDRE.

Le mois de juillet aura été marqué, cette année, par de nombreux
cyclones, comme les lecteurs de _L'Illustration_ auront pu le remarquer,
grâce aux instantanés publiés dans un de nos précédents numéros.
L'Angleterre n'a pas été moins épargnée que la France et l'Europe
centrale.

Le 9 juillet, un orage d'une rare violence éclatait dans la région de
Cheltenham. De nombreuses fermes furent ravagées et les domaines du
comte de Warwick furent le théâtre d'un véritable massacre.

Un troupeau de vingt-quatre vaches laitières s'était réfugié sous
l'épaisse frondaison d'un chêne. Soudain, la foudre s'abattit sur la
cime de l'arbre, traçant de longs sillons verticaux dans l'écorce du
tronc et foudroyant les vingt-quatre bêtes groupées à sa base.

Dès la nouvelle de l'accident, notre correspondant accourut sur les
lieux et prit l'impressionnant instantané que nous reproduisons ici.

Il semble qu'on peut remarquer à ce propos que la foudre est plus fatale
aux animaux qu'aux hommes: précieux privilège qu'il est difficile
d'expliquer. Les bêtes résistent moins que les humains aux décharges
électriques.


L'INTÉRÊT DU PORTE-MONNAIE ET LE PROGRÈS SOCIAL.

On sait qu'une visite médicale extrêmement rigoureuse est imposée aux
immigrants aux États-Unis et que l'entrée dans ce pays est
impitoyablement refusée à ceux qui paraissent même simplement chétifs et
malingres.

La conséquence de cette visite, c'est que les compagnies de navigation
maritime doivent rapatrier, à leurs frais, les immigrants refusés.

Pour éviter ces frais, les compagnies des divers pays ont décidé de
prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la santé de
leurs passagers.

Ainsi, à Hambourg, une compagnie a fait construire de grands halls
destinés à abriter les émigrants lors de leur séjour dans le port avant
leur embarquement; et les résultats ayant été reconnus favorables, on va
construire des baraquements pouvant contenir chacun 120 lits, disposés
suivant les règles de l'hygiène moderne et pourvus, pour chaque groupe
de quatre baraques, d'un baraquement spécial destiné à la buanderie, aux
étuves, cabinets d'aisances, etc.

On sait, d'autre part, que l'institution des sanatoriums pour
tuberculeux a eu son origine en Allemagne, dans des préoccupations de
même nature de la part des sociétés d'assurances.

C'est ainsi que le souci du porte-monnaie est encore le moteur le plus
sûr du progrès social.


L'EXPLOSION DU «BENNINGTON»

Le 21 juillet, un petit croiseur de la marine des États-Unis, le
_Bennington_, se rendant de Honolulu à Panama, était ancré à San-Diego
(Californie), où il s'était arrêté pour faire du charbon, lorsqu'une
formidable explosion se produisit à bord. Malgré la promptitude des
secours, sur un équipage de 198 hommes, y compris 16 officiers, on
comptait bientôt 39 morts et 80 blessés, dont une vingtaine grièvement;
on constatait en outre la disparition de 21 hommes.

[Illustration: Le croiseur américain _Bennington_.]

Les chaudières du _Bennington_, jugées défectueuses, avaient été
récemment réparées.

Suivant le rapport du commandant, deux d'entre elles éclatèrent
successivement, et il est probable que l'ébranlement détermina, par
surcroît, l'éclatement des puissants engins emmagasinés dans la soute:
d'où les terribles conséquences du sinistre.

Chose curieuse, un mécanicien qui inspectait une des chaudières, au
moment de l'explosion, n'a eu que des blessures légères.

[Illustration: Le canot automobile _Antoinette-III_ en vitesse sur la
Seine devant Mantes.]


L'AUTOMOBILISME EN RIVIÈRE.

Pour préluder à la grande semaine maritime du Havre et de Trouville, le
Yachting-Gazette a organisé, de Paris-Courbevoie à Rouen, une croisière
de «cruisers» et de «racers» dont le départ a été donné le dimanche 23
juillet. La première étape, de Courbevoie à Mantes, a été l'occasion
d'un succès pour un des racers, _L'Antoinette-III,_ qui, à Mantes même,
a couru la coupe Dubonnet, sur 100 kilomètres, en 2 h. 20, soit à une
vitesse régulière de plus de 42 kil. 500 à l'heure. Cette allure,
quoique déjà extrêmement rapide, n'est pas surprenante de la part d'un
de ces canots automobiles, et ce n'est pas le motif qui vaut à
_L'Antoinette-III_ de figurer dans nos colonnes. Mais l'instantané
ci-dessus semble bien prouver que ces petits engins mécaniques, produits
d'une industrie essentiellement moderne, apportent, à la surface des
rivières pendant l'instant de leur passage vertigineux dans un sillage
léger et qui s'étale en friselis d'écume, un aspect, nouveau certes,
imprévu peut-être, de monstre marin, mais qui a sa beauté particulière
et qui ne détruit pas l'harmonie, qui ne dépare nullement le cadre d'un
beau paysage fluvial.


LES PATATES DOUCES POUR L'ÉLEVAGE.

Parmi les légumes qui, depuis quelques années, ont pris une place sur
nos marchés français, la patate douce n'est sans doute pas celui qui a
obtenu le plus de succès. Ce légume sucré déconcerte un peu le
consommateur. Pourtant, il est excellent--bouilli ou bien cuit au
four--et constitue un aliment énergétique des plus recommandables. La
patate, qui est le tubercule souterrain d'un _convolvulus_, se cultive
sans peine dans les îles de la Méditerranée et sur la côte nord de
l'Afrique. Elle pourrait, d'après le _Bulletin_ de l'Office de
l'Algérie, prendre une place importante dans l'alimentation du bétail,
tout comme la pomme de terre. Elle est plus riche que cette dernière et
conviendrait particulièrement pour l'engraissement. Elle est
appétissante aussi. Les porcs, qui aiment les bonnes choses et savent
les trouver--chacun connaît leur goût pour la truffe et leurs aptitudes
pour la découvrir--déterrent eux-mêmes les patates dans les cultures,
pour s'en régaler. Il n'y aurait même pas à tirer celles-ci de terre:
les porcs pratiqueraient l'extraction et aussi le labourage par la même
occasion. La patate est un aliment très hygiénique, qui ne procure
jamais d'indigestion: il entretient au contraire ce qu'un médecin
appelait «la première des libertés». On devine celle dont il s'agit. De
culture facile en terre légère et sableuse, la patate donne six tonnes
sur l'espace où le maïs n'en donne pas une. Il est vrai que 4 1/2 de
patates valent 1 de maïs; mais, même dans ces conditions, il est plus
avantageux de pratiquer l'engrais par la patate.

[Illustration: Troupeau de vingt-quatre vaches laitières foudroyées au
pied d'un chêne, à Cheltenham, le 9 juillet.]


[Illustration: La mosquée de Hamidié, où le sultan Abdul-Hamid a été
l'objet d'un attentat, le 21 juillet, jour du Selamlik.-_Phot.
Strumper._]

A CONSTANTINOPLE

La mosquée de Hamidié est un frêle et gracieux monument, dont les
blanches terrasses sont surmontées par la coupole légère d'un minaret
qui est un véritable bijou d'art. C'est là, à quelques pas à peine de
son palais d'Yildiz-Kiosk, que le sultan Abdul-Hamid assiste pieusement,
chaque vendredi, aux cérémonies du Selamlik.

Dès qu'à midi la voix plaintive du muezzin a convié la foule à la
prière, les portes du palais d'Yildiz s'ouvrent à deux battants. Au
milieu d'une brillante escorte de princes, de ministres, de grands
officiers chamarrés d'or, de pachas et de serviteurs, aux sons des
musiques et parmi les acclamations de la foule, une luxueuse Victoria,
attelée de deux chevaux blancs, emporte le sultan, à fond de train,
jusque dans la grande cour de la mosquée. Le souverain descend alors de
sa voiture, salue ses sujets et pénètre dans le religieux édifice
entouré du cheik-ul-islam, des ulémas et des imans.

Aussitôt après la fin de la cérémonie, Abdul-Hamid regagne sa Victoria,
qui le ramène dans son palais avec une rapidité d'allure qui jette
toujours une certaine confusion dans sa suite. Ce n'est cependant pas
grâce à la vitesse extrême de son attelage que le sultan a dû, vendredi
dernier, de n'être pas atteint par l'explosion de la bombe qui, dans la
cour de la mosquée de Hamidié, a tué plus de 20 personnes et en a blessé
près de 60 autres.


L'ÉCHOUEMENT DU "CHODOC"

L'un des meilleurs paquebots de la Compagnie des Chargeurs-Réunis, le
_Chodoc_, s'est, le 28 juin dernier, échoué dans les parages du cap
Gardafui.

La presse s'est fait l'écho de ce sinistre qui, sans l'adroite énergie
des officiers du navire et les secours intéressés des Somalis, eût pu
coûter la vie à plus de cinq cents passagers. Ce fut dans la nuit du 28
au 29 juin que le navire s'immobilisa sur des rochers. La veille, on
avait dansé sur le pont; tout le monde était gai, confiant, heureux du
retour en France. Le 29 fut un triste lendemain de fête: le Chodoc était
échoué à 150 mètres du rivage, d'un rivage d'aspect peu hospitalier,
dans une mer démontée que couvraient, néanmoins, une multitude
d'embarcations montées par des indigènes armés jusqu'aux dents.

Il fallut parlementer avec les Somalis et passer par leurs conditions.
On consentit donc, comme ils l'exigeaient, à leur laisser piller le
bâtiment comme prix du sauvetage des personnes. Ainsi fut fait. Les
indigènes d'abord s'assurèrent du butin et dans chacun de leur canot,
déjà chargé à en couler, embarquèrent quatre passagers en détresse. A
terre, heureusement, le sultan du pays, Rouhone, qui visita les
naufragés, s'efforça d'adoucir leur situation par tous les moyens en son
pouvoir jusqu'à leur rapatriement, en Europe, par un vapeur russe, le
_Smolensk_.

[Illustration: Le sauvetage des passagers du _Chodoc_, par les pirogues
des Somalis, près du cap Gardafui, dans la nuit du 29 juin.--_D'après le
croquis d'un têmoin oculaire._]


LA CLASSE, par Henriot.


_NOUVELLES INVENTIONS_

_(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement
gratuits.)_

L'ALLUMOIR DYNAMO

L'allumoir dont nous entretenons nos lecteurs est basé sur un principe
original--peu ou pas employé jusqu'à présent, du moins dans ce genre
d'applications--la rupture du courant d'une _dynamo_.

Habituellement, les appareils ordinaires rompent le courant d'une
_magnéto_, c'est-à-dire qu'ils comportent des aimants permanents, sujets
à se désaimanter, ou bien ils utilisent le courant d'une pile,
rapidement épuisée, en tout cas rarement commode.

Ces appareils cessent d'ailleurs de fonctionner au bout d'un court laps
de temps et l'on se voit forcé de recourir à des réparations coûteuses
et embarrassantes. Ces circonstances ont souvent discrédité les
allumoirs électriques.

Partant du principe qu'un allumoir réellement pratique doit renfermer en
premier lieu sa propre source d'énergie inépuisable, _ne comportant
jamais_ un renouvellement ou complément, l'inventeur de l'appareil en
question, après de longues et laborieuses recherches, a réussi, en se
basant sur le principe dynamo-électrique, à construire un appareil
donnant toute satisfaction, tout en assurant à l'instrument une durée de
fonctionnement de plusieurs années.

Comme on peut le voir sur la figure ci-jointe, dans une cassette en
métal et cristal, se trouvent une petite _dynamo complète_, du type
Siemens, un mécanisme d'allumage à rupture ainsi qu'un récipient pour la
matière inflammable.

Sur la surface, côté gauche, se trouve l'allumoir, avec une coiffe de
culasse; à côté, en arrière, l'allume-cigare; à droite, dans un
enfoncement, un cendrier mobile avec un coupe-cigare au-dessus. Dans la
paroi de face, vers le milieu, se trouve enchâssée une poignée de
rotation.

On fait fonctionner l'appareil en faisant subir à cette poignée _un
mouvement de rotation vif et continu_, mais sans brusquerie, dirigé de
gauche à droite. Une roue dentée, reliée à la poignée, entraîne un petit
pignon fixé à l'induit de la dynamo. Il se produit ainsi, pour un seul
mouvement de la main, une dizaine de tours destinés à exciter la dynamo,
dont finalement le circuit est rompu sèchement par un choc de leviers au
contact d'une mèche imprégnée d'alcool. Une vive étincelle se produit et
la lampe s'allume, tandis que se découvre la coiffe recouvrant la mèche.
Il ne peut pour ainsi dire pas y avoir de ratés et la dynamo est
toujours prête à l'allumage puisqu'elle n'emprunte qu'à la main de
l'opérateur la puissance nécessaire à son fonctionnement.

Un récipient, dont le couvercle paraît sur la gauche arrière de la
figure, doit être rempli pour un peu plus que la moitié d'alcool
dénaturé (on met habituellement dans celui-ci une goutte de parfum, pour
retirer l'odeur de l'alcool).

Après chaque opération, on recouvre la coiffe, ce qui éteint la flamme
et empêche ensuite l'évaporation de l'alcool.

Les frais d'entretien sont très minimes et le prix de l'appareil se
trouve remboursé par l'économie que l'on fait en faisant usage de
l'allumoir.

[Illustration: L'allumoir dynamo.]

Cet appareil, fort élégant, se trouve en vente, au prix de 75 francs,
chez _Kirby, Beard et Cie, 5, rue Auber, Paris_.


[Avec ce Numéro _Supplément de quatre pages_ ET GRAVURE HORS TEXTE]

[NOTE du transcripteur: Le supplément de quatre pages, concernant
l'Exposition de Liège ne nous a pas été fourni. La gravure hors-texte
intitulée le CHEF-D'OEUVRE a été déplacée et jointe au texte qui la
commente.]





*** End of this LibraryBlog Digital Book "L'Illustration, No. 3257, 29 Juillet 1905" ***

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